mardi 15 février 2011

La Dame à l'Hermine de Léonard

Huile sur bois. 54 X 39 cm. Conservé au musée Czartoryski (Cracovie)


Le portrait de Cécilia Gallerani, dit la Dame à l'Hermine, caractérise parfaitement le style de Léonard. Acquis par la France à l'époque de la Révolution, il se retrouve au début de XIXème siècle au château de Pulany, en Pologne. Rapporté à Paris en 1830, le modèle reste non identifié jusqu'en 1870, date à laquelle le portrait retourne en Pologne. C'est seulement à cette époque qu'on commence à y voir la "patte" de Léonard, hypothèse confirmée plus tard par des dessins d'études. Mais le modèle n'avait pas encore été identifié, on pensait à une belle de la cour de France.

Le costume avec son décolleté carré, ses manches à crevés et à lacets s'affirme clairement milanais. La belle serait en réalité Cecilia Gallerani, la jeune maitresse de Ludovic Sforza, dit Le Maure. Née en 1473 d'un père ambassadeur mort quand elle avait 7 ans et d'une mère de bonne famille. La jeune femme n'était pas très riche, mais extrêmement bien éduquée et selon les témoignages, d'une grande intelligence. On pense qu'elle devient la maitresse du Duc à l'âge de 14 ans. En 1490, alors que Ludovic devait épouser Béatrice d'Esté (fille du duc de Ferrare) ea maitre de Milan, choisit de vivre avec sa maitresse au château Sforzesco. Bien que la belle soit tombée enceinte, le mariage avec Béatrice eut lieu en 1491 et l'épouse légitime demanda à Ludovic de chasser la maitresse qui s'installa en ville entourée d'un aréopage d'intellectuels, d'artistes... Cécilia mit au monde Cesare Sforza.

Quelques mois après l'accouchement, Léonard reçut la commande pour un portrait permettant de compenser l'absence de son amante auprès du duc.

Chez Léonard, les portraits sont prétextes à une analyse psychologique. Dans ses caricatures, il cherchait à accentuer les traits animaux, qui, conformément à la théorie physionomique héritée de l'Antiquité trahissait tel ou tel trait de caractère. Le visage d'une vieille femme dessiné par Léonard et dont la seule copie par Melzi, à la sanguine nous est parvenue, évoque tant la bassesse de l'âme qu'il est repris au XIXème siècle dans une illustration d'Alice au Pays des Merveilles pour évoquer la Reine de Pique.


Caricature, copie d'un dessin de Lénoard par Melzi, vers 1510.

Dans le cas de la Dame à l'Hermine, il s'agit ici, d'évoquer plutôt une narration. L'effet de lumière qui construit le portrait, donne l'impression qu'une porte vient de s'ouvrir dans la pièce sur un personnage attendu et aimé. Le jeu de lumière et d'ombre (ombre sur les perles du collier ou sur la main) crée un effet de réel. On devine sous les doigts de la jeune femme, le coeur palpitant du petit animal effrayé par l'instrusion. La douceur de la caresse, la sérénité du visage qui esquisse un sourire sont autant de promesse à l'amoureux qui vient d'entrer.
Mais l'oeuvre renvoie également à une plus subtile symbolique. En effet, Léonard écrit dans ses notes : " l'hermine, en raison de sa tempérance se laissera plutôt prendre par les chasseurs que de se réfugier dans un terrier boueux afin de ne pas entacher sa pureté". Pureté, tempérance, virginité sont des vertus associées à l'hermine à la Renaissance. La chasteté déclarée du modèle ne fait qu'érotiser encore plus le tableau. L'hermine renvoit par ailleurs à d'autres jeux intellectuels. En effet, en grc, galè (1ère syllabe de Gallenari) signifiait "belette", les humanistes appréciaient particulièrement les jeux de mots cachés. D'autre part, Ludovic avait reçu du roi de Naples, le prestigieux Ordre de l'Hermine.
Tenant dans ses bras cet animal aux aguets et aux griffes acérées Cécilia porte la puissance aristocratique de son amant qui ne se laissera pas prendre par ses nombreux ennemis.
Malheureusement pour lui, cette prédiction ne se réalisera pas, après la conquête du Milanais par les français en 1499, Ludovic finit sa vie enfermé dans un donjon où il sombre dans la folie.
Cécilia est mariée au Comte de Crémone en 1492 et continue à tenir salon à Milan jusqu'à sa mort.





2 commentaires:

Noée Bouclette a dit…

intéressant éclairage que ton texte pour un 2e regard sur ce portrait.

pour la reine de pic, Burton a aussi repris le front bombé, bq moins le décolleté fripé ;)

Myriam a dit…

j'ai pas vu encore le Burton... En retard, en retard lalalala :D